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La diversité des approches d’animation sur le Jardin des Sens à Poitiers

mercredi 1er avril 2009, par Véronique BAUDRY

Le Jardin des Sens de Poitiers est « sorti de
terre » en 2002. L’idée de la création d’un
tel jardin est venue d’une collaboration
entre les services de l’hôpital Pasteur -
antenne de gérontologie du CHU de Poitiers
- et le CINEV qui proposait des animations
de jardinage aux résidents. Le public visé
avait des handicaps très variés : mentaux,
moteurs, voire les deux. Son aménagement
et sa composition devaient alors répondre
aux exigences d’un tel public.

Sans être réellement thérapeutique, le jardin devait pouvoir
avoir un intérêt autre que « la petite balade pour
prendre l’air ». Le choix du sensoriel est apparu comme
celui pouvant être le plus « utile » à ce public.
L’ébauche de ce jardin a donc été confiée au paysagiste
Gilles Clément 4. On a travaillé sur l’organisation
d’espaces sensoriels. Ce fut ensuite Madame Allard,
architecte-paysagiste de la région, qui finalisa ce projet.
Toutes les structures ont été pensées pour accueillir,
entre autres, des fauteuils roulants : allées larges, pentes
douces, massifs surélevés etc. Le choix des plantes et
leurs dispositions dans le jardin ne se sont pas non plus
faits au hasard. Ainsi, le Jardin des Sens a un théâtre de
verdure consacré à l’ouïe, des allées autour du bassin
consacrées à l’odorat et au toucher, une prairie sauvage
pour le plaisir de la vue et une allée des ombres pour l’odeur
et les jeux de lumière et d’ombre.
Le goût devait avoir son propre jardin mais il n’a pas pu
être réalisé. De nouvelles plantations viennent donc se
rajouter petit à petit à travers tout le jardin pour composer
la partie manquante.

L’animation proposée au public handicapé

Les objectifs des animations proposées pour ce public ne
sont pas les mêmes que ceux proposés à un autre public.
Ici, le jardin ne sert pas de support à la découverte de la
Nature, mais de support à la « stimulation thérapeutique
 ». On utilise la Nature pour évoquer un souvenir
ou provoquer une émotion. Cependant, nous n’allons
pas plus loin, avec la personne, dans l’analyse de
cette émotion.
Tout en se promenant dans le jardin, l’animateur va chercher
une plante, la faire toucher, sentir pour provoquer
une réaction. Parfois ces réactions sont spectaculaires :
énorme éclat de rire, cri et gesticulations ; parfois elles
sont imperceptibles. Il est donc important que l’animateur
s’appuie sur les accompagnateurs de l’hôpital
pour mieux comprendre ce que la personne est en train
de vivre.
Le contact avec les éléments naturels permet aux personnes
de vivre des sensations dans un milieu moins « sécurisé »
que celui auquel elles sont habituées. L’objectif est alors
de les « sortir de leur monde », de permettre une extériorisation.
Cela peut les déstabiliser car elles perdent
leurs repères, mais la plupart du temps elles donnent
l’impression de vivre quelque chose qui les fascine.
Certes il arrive toujours que certaines de ces personnes
passent un moment désagréable car la perte de repères
est trop difficile à vivre. Cependant la majorité renvoie
plutôt des réactions positives à ce que l’animateur leur
fait découvrir.
L’approche par le sensoriel est très intéressante pour
l’animateur et son public car c’est par ce biais qu’ils
pourront communiquer. Il peut ainsi jouer avec les différentes
textures de plantes ou les odeurs, mais aussi avec
les matériaux qui composent le jardin : contact avec la
terre, puis la pierre, puis l’herbe, ou jeu d’ombre et de
lumière… Lorsque c’est possible, l’écoute des bruits
environnants leur permet de s’imprégner un peu plus de
ce milieu, de lui donner une dimension nouvelle. C’est
aussi un moyen de leur faire comprendre qu’ils ne sont
pas seuls dans ce milieu qui les entoure, que certains
êtres vivants sont là mais ne sont pas visibles.
Certaines structures viennent plusieurs fois sur le jardin
mais à des saisons différentes. La répétition de la visite
donne un repère au public. L’animateur est reconnu. Le
lieu est un peu plus familier. Mais les découvertes restent
toujours importantes et nouvelles. Là l’animateur peut
jouer sur le souvenir en représentant une plante déjà vue
à une autre saison et insister sur la différence qu’il y a.

L’animation pour les autres publics

Le Jardin des Sens est également un lieu de découverte
de la Nature. Le cadre du jardin est un moyen de faire
découvrir la nature tout en restant dans un lieu rassurant
du fait qu’il est en majeure partie maîtrisé par l’Homme.
Aussi pour déstabiliser un peu le visiteur et le faire sortir
de son quotidien, l’animateur va utiliser l’approche
sensorielle. Il va jouer sur les sensations que procurent
les plantes du jardin pour apprendre à les connaître dans
un premier temps, puis dans un deuxième temps pour
découvrir le milieu dans lequel elles évoluent. Il pourra
mettre en valeur les interactions existantes au sein de ce
milieu. Ensuite il pourra montrer comment l’Homme
peut être utile à son équilibre et quels avantages il peut
en tirer. Ainsi il amènera le visiteur à se demander
comment lui peut agir au sein de son propre jardin pour
y favoriser la biodiversité. La technique d’entretien utilisée
sur le Jardin des Sens pourra alors être pour le visiteur
une source d’inspiration puisqu’elle va dans le sens
de la biodiversité.

Nous voyons donc que le jardin est un lieu suffisamment
sécurisé ou aménagé pour être accessible à un large public. La façon dont il est exploité pourra aussi répondre
aux diverses demandes : besoin de connaissances,
découverte d’un milieu naturel, ou tout simplement lieu
de stimulation. Les rôles de l’animateur seront multiples.
Tout en continuant à faire découvrir la Nature au grand
public, il pourra mettre à profit ses connaissances pour
des publics handicapés dont les besoins sont très différents
 : la connaissance du milieu étant moins importante
que la stimulation que ce dernier peut apporter à la
personne. Ainsi le métier pourra évoluer vers de nouveaux
horizons.

En savoir plus

Cet article est extrait de la Lettre du GRAINE n°18, 2009.

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