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La place du jeu dans un projet éducatif (Jérôme DAVIN et Damien MARIE)

jeudi 13 janvier 2011, par Damien MARIE, Jérôme DAVIN

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Article de Jérôme DAVIN (1) et Damien MARIE (2)


Défendre l’importance du jeu dans un cadre éducatif, c’est prendre le parti de considérer l’activité ludique comme une activité de haut niveau sur le plan cognitif et social.
Cela revient donc à considérer et intégrer le jeu comme un vecteur d’apprentissage. L’importance qu’on veut lui donner dépend du contexte dans lequel il est fait appel à lui.
On ne doit pas ignorer cependant que le jeu est important dans le développement des enfants et des jeunes.

Des cadres différents pour « jouer »

Le jeu en milieu scolaire n’est jamais central et il est parfois remis en cause. Il rentre difficilement dans le cadre d’un processus d’apprentissage contrôlé, de plus c’est une activité dont le produit n’est pas immédiatement évaluable. Dans ce sens, il n’y a pas de « production scolaire »  : on n’écrit pas dans un cahier, on n’a pas de notes et qui, plus est, on ne peut pas vraiment avouer à ses parents qu’on a joué à l’école .

A l’opposé, une tendance « ludophile » met du jeu partout et du ludique à toutes les sauces, sous prétexte de rendre plaisant et indolore le moindre apprentissage aussi bien à l’école qu’en centre de loisir.

Il est souvent considéré que les enfants jouent (notamment à des jeux de règles) en dehors du milieu scolaire. Or, les parents n’ont pas toujours - ne prennent pas toujours - le temps de jouer avec leurs enfants. De plus, la télévision, les ordinateurs et les consoles de jeu grignotent les temps de jeu des enfants. Enfin, le sport (qui présente bien d’autres intérêts, par ailleurs) est souvent plus valorisé que le jeu...

Des perceptions différentes du jeu

Le jeu peut répondre à des besoins éducatifs différents dont on doit tenir compte lorsque l’on propose de « jouer » ou de « faire jouer ». 

Un besoin vital
Bien que, pour des raisons éthiques, il soit difficilement concevable d’expérimenter la privation du jeu sur un enfant et d’en vérifier les conséquences.
Le jeu est considéré comme une activité vitale, dans le sens où il a toujours été présent dans nos sociétés, où il réunit les Hommes et permet le partage d’une expérience vécue, ou encore dans le sens où il contribue à la construction d’une identité culturelle (au travers d’une activité partagée).

Une activité « dedans-dehors »
Le jeu est dans la société (il se pratique entre des personnes dans un espace physique).
Mais il nécessite la mise en place d’un cadre permettant de sortir de celui de nos sociétés : on parle de « clôture ludique », à l’intérieur de laquelle seront définis des règles, des espaces et des temps propres au jeu. Cette clôture ludique permet ainsi la création de liens sociaux nouveaux.

Une activité libre
Jouer est un choix volontaire, qui ne peut pas être imposé.
Accepter de jouer, c’est accepter de troquer sa liberté d’Homme contre une liberté ludique (c’est-à-dire la liberté de joueur acceptant certaines contraintes nouvelles imposées par les règles). On peut donc parler d’une forme de contrat : le « contrat ludique ».

Une activité incertaine
Le plaisir du jeu repose sur le caractère imprévisible des évènements qui vont (ou ne vont pas) se produire. Quel serait en effet l’intérêt de jouer à un jeu dont on connaît déjà l’issue ou le vainqueur ? Le plaisir du jeu repose essentiellement sur cette notion de « tension ludique ».
Ainsi, la pratique du jeu oblige à accepter de s’engager face à l’incertitude, en ayant l’occasion d’expérimenter des comportements. Il devient donc possible de douter, d’agir en fonction, d’assumer ses choix et de prendre une responsabilité dans un contexte incertain : cela revient à appréhender la notion de risque.

L’activité de jouer se situe donc à l’intérieur d’un triangle formé par la liberté d’agir, la structure des règles et l’incertitude sur le déroulement du jeu.

Une activité gratuite
« Jouer sert à jouer » et la cause finale du jeu est le jeu lui-même.
Ainsi, la cause, l’objet et la finalité sont confondus. Le joueur participe à l’expérience pour l’expérience. Le jeu est donc désintéressé d’un point de vue matériel.

Une fiction
On se raconte une histoire pouvant avoir une morale différente (on peut jouer un « méchant » et appliquer une stratégie de jeu différente des valeurs défendues dans la réalité...). Jouer permet d’être autrement.
« L’opposé du jeu n’est pas le sérieux, c’est la réalité ». Cette phrase de Freud (qui refuse l’opposition courante entre jeu et sérieux) illustre le fait que le jeu est différent du monde réel : c’est une forme de représentation de celui-ci.
Et pourtant, il y a une interaction entre le jeu et la réalité.

En conclusion

Si on peut admettre que les jeux éducatifs sont utiles voire indispensables pour devenir « grand », il faut tenir compte du risque causé par ceux-ci lorsqu’une instrumentalisation du jeu aboutit à la disparition de la finalité ludique (le plaisir du jeu lui-même),et qu’une intention d’utilité assignée (par un objectif d’apprentissage hors du jeu) rentre en contradiction avec la nature du jeu (dans sa notion d’activité gratuite).

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1 Animateur à la Maison du Marais poitevin.
2 Coordinateur éducatif au GRAINE Poitou-Charentes.

Documents joints

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