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Les débats en jeu de rôle (Christine PARTOUNE)

jeudi 13 janvier 2011, par Christine PARTOUNE

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Article extrait de la Lettre du GRAINE n°19, 2010.

Article de Christine PARTOUNE initialement paru sur le site Internet du Laboratoire de Méthodologie des Sciences géographiques


En quoi les séances de jeu de rôle qui simulent des débats (un colloque, un talk-show, un sommet international...) permettent-elles aux joueurs de développer des habiletés sociales ou cognitives et d’appréhender les jeux d’acteurs qui existent sur un territoire ?

A propos du débat en jeu de rôle

Objectifs généraux d’apprentissage :
- participer à un débat en défendant la position d’un acteur particulier, et non sa propre opinion
- s’approprier les modalités spécifiques à différentes formes de débat.

Les habiletés à développer
Par l’intermédiaire de la participation à un débat, deux types d’habiletés peuvent être développées : des habiletés cognitives et des habiletés sociales. Ces habiletés peuvent être individuelles (que l’on peut acquérir isolément) ou collectives (qui s’acquièrent via les interactions avec d’autres personnes).
Le tableau suivant permet de situer le degré de difficulté proposé aux élèves et de prévoir une progression dans les apprentissages, en fonction de la forme du débat choisie.
(Voir tableau sur le PDF joint).

Une des particularités du débat en jeu de rôle est de renforcer une habileté sociale particulière, l’empathie, à savoir la capacité à se mettre à la place de quelqu’un d’autre. Dans un jeu de rôle au sens strict, en effet, les participants incarnent un acteur déterminé et disposent d’informations à son sujet qui contraignent pour partie l’interprétation du personnage.
La qualité de la création des rôles et de la conduite du débat font qu’un jeu de rôle est vraiment un jeu, à savoir une forme pédagogique sensée procurer du plaisir, du fait d’incarner un rôle particulier. Cette fonction est en effet potentiellement libératoire : les joueurs sont protégés par le rôle, ils ne sont pas amenés à exposer leurs propres idées, ils ne prennent donc pas le risque d’être jugés sur le fond ; en outre, ils peuvent choisir pour partie le caractère de leur personnage et décider d’adopter une attitude très différente de celle qui leur est familière.

Les formes de débat

Différentes formes de débat sont envisageables, par exemples le panel d’expert lors d’un colloque scientifique, le talk-show télévisé, le débat parlementaire (ou autre institution/organisation internationale), la Commission consultative d’aménagement du territoire (CCAT), etc...

Le choix de la forme dicte le ton, le langage « convenu » et la manière dont le débat est mené.

Une personne assume le rôle d’animateur/président du débat. Il lui incombe non seulement de veiller à faire aboutir le débat dans le temps imparti, mais aussi de rappeler les règles de participation au débat éventuellement énoncées en début de séance, ainsi que les conventions culturelles en fonction de la forme choisie (voir ci-dessous). Ce rôle peut être tenu par le professeur, par une personne extérieure ou par un élève.

Exemples de règles
et conventions

- Le panel d’experts lors d’un colloque scientifique

Souvent, un colloque scientifique se déroule en deux temps : une première partie d’exposés, puis un débat entre experts (panel), éventuellement ouvert aux questions de la salle.

Un colloque est généralement présidé par un expert/scientifique qui connaît ses invités et veille à mettre leurs compétences en valeur. Il les accueille chaleureusement en faisant référence à leur terrain de connivence.
Les intervenants sont installés à une table. Une étiquette avec le nom des intervenants est prévue pour chacun. Pour eux, l’enjeu est principalement d’être brillants sur le plan scientifique (scoop au niveau des données, originalité de l’expérimentation, pertinence de l’analyse, validité des preuves,...).

Le ton est retenu, la politesse va de soi, personne ne prend la parole sans y avoir été invité par le/la président(e) de séance, qui la distribue selon un ordre convenu et annoncé en début de séance.
Lors de la première partie, les intervenants sont informés du temps qui leur est accordé pour leur exposé. Leur communication peut être soutenue par la projection d’images ou de posters scientifiques. Le président leur signifie (avec souplesse mais fermement) quand le temps est écoulé, mais attend que l’orateur achève son intervention.

Lors du débat, la parole est distribuée dans l’ordre chronologique des demandes d’intervention. Chaque intervenant veille à s’autodiscipliner, pour ne pas monopoliser la parole. Quelques minutes avant la fin, les questions/interventions de la salle sont réduites et canalisées (prendre plusieurs questions en même temps) ; le président de séance demande qui souhaite répondre à la question.

Les propos des intervenants sont mesurés et nuancés, la reconnaissance de la qualité des interventions des uns et des autres est exprimée (covalidation), les arguments sont étayés par des expériences ou des travaux de terrain, des auteurs réputés sont cités pour appuyer les propos, etc. Le jargon scientifique est de mise : des termes spécialisés sont attendus dans les propos tenus ; ils ne seront pas expliqués en séance.

Dans cette forme de débat, relativement paisible, les élèves peuvent plus facilement se concentrer sur la qualité de la réflexion et de l’argumentation au niveau du fond (habiletés cognitives) que sur les interactions (habiletés sociales).

- Le talk-show télévisé

L’animateur est un journaliste, soucieux de la qualité du débat, mais aussi (et parfois surtout) que son émission fasse de l’audimat. Il installe ses invités selon un « plan de bataille », pour une lecture plus facile des points de vue adoptés par le téléspectateur : les « alliés » sont côte à côte, face à leurs « opposants », ou alors les invités sont regroupés par types d’acteurs (les politiciens, les syndicats,...).

Les intervenants sont le plus souvent installés dans un « salon ouvert » en demi-cercle. Pour eux, l’enjeu est de faire passer leur message au public et de profiter de la moindre occasion pour le faire.

Il n’y a pas d’exposé formel. On passe directement au débat. L’animateur va d’abord distribuer la parole dans un ordre déterminé, en commençant par une intervention « chaude » (un acteur qui pose le problème). Il alterne les interventions entre camps qui ont des visions opposées. Il cherche à « faire bouillir la marmite ». L’animateur est chargé d’interrompre l’orateur pour passer la parole à quelqu’un d’autre. Il est soucieux que les téléspectateurs comprennent bien ce que l’on dit sur le plateau. Il relève donc systématiquement les termes spécialisés et les fait expliciter, ou demande de donner des exemples concrets. Il veille à ce que les interventions soient très courtes et rappelle régulièrement la nécessité de synthétiser son point de vue (« en 30 secondes », « en une phrase »,...).

Le ton est plus libre, parfois agressif. Le langage est varié, le vocabulaire aussi. Certains acteurs cherchent à monopoliser la parole le plus longtemps possible, cherchent à couper la parole aux autres, font du chahut... Le rôle de l’animateur est plus difficile : il doit faire preuve de plus d’autorité.

Dans cette forme de débat, plus difficile à gérer et à vivre, l’apprentissage est tout autant centré sur les habiletés sociales (apprendre à prendre sa place, à ne pas se laisser désarçonner/à désarçonner l’autre, à ne pas s’emballer,...) que cognitives (rebondir sur l’idée d’un des interlocuteurs, trouver la faille, faire dévier le débat pour l’amener sur un terrain favorable à son point de vue,...). C’est une forme de débat où l’enjeu d’arriver à développer des habiletés collectives de haut niveau est le plus fort : le risque de dérapage est grand, mais les participants peuvent sortir du débat en ayant dépassé l’expression de leurs points de vue pour l’élargir grâce aux autres.

- Un sommet international

Les sommets internationaux sont des événements à l’issue desquels une série de votes sont attendus, sur des règles internationales. Les participants sont des représentants des états : ministres, chefs de gouvernement, députés,... La présidence est assurée par un représentant d’un des états, désigné à titre temporaire, ou par la personne qui assure la présidence. Exemples de sommets ou conférences de ce type : G8, ONU, OMC, sommets européens, OTAN,...

Les participants sont de préférence installés autour de la même table, éventuellement en deux cercles. Certains participants ou groupes de participants ont déposé une proposition et cherchent à rallier le plus grand nombre de pays à leur point de vue.

Le sommet se déroule en trois temps :
-  un premier temps de présentation des propositions (règles, amendements aux règles) et de débat ;
-  un second temps informel (contacts en dehors de l’enceinte formelle) ;
-  un troisième temps de vote.

Les règles régissant le vote sont rappelées au départ. Elles dépendent du type de sommet considéré (poids des pays, conditions pour qu’une proposition passe, droit de veto...).

L’essentiel des tractations se passe durant la seconde phase (alliances, accords bilatéraux, ...). L’intérêt du jeu de rôle est de mettre en évidence la face cachée des sommets.

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1 Chargée de cours en didactique de la géographie et directrice des recherches au Laboratoire de Méthodologie des Sciences géographiques (LMG) de l’Université de Liège. Présidente de l’Institut d’Ecopédagogie.

Documents joints

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